Concernant le projet de concertation intercommunale en matière de prostitution présenté par le Collège au Conseil communal de la Ville de Bruxelles le lundi 6 décembre 2010 :
Marion LEMESRE, Députée- Chef de Groupe MR demande « une volonté politique plus affirmée et surtout plus efficace pour lutter contre le développement de zones de non-droits et enrayer la prostitution dans les quartiers résidentiels »
Monsieur le Bourgmestre,
Chers Collègues,
Ce n’est pas la première fois que j’interviens ici pour relayer les problèmes vécus par les habitants et les commerçants du quartier Alhambra (sans oublier ceux de l’avenue Louise et des rues adjacentes comme l’Allée du Cloître) ; des quartiers transformés 24h sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an en véritables bordels à ciel ouvert !
Ces habitants et commerçants sont confrontés quotidiennement, de jour comme de nuit, aux nuisances provoquées par la prostitution de rue. Ces nuisances ne sont pas anecdotiques et ne procèdent pas comme certains ont essayé de le faire croire d’une attitude de rejet et d’intolérance de la part des habitants. Non, ces nuisances relèvent de comportements contrevenant gravement à la loi ; ne pas les sanctionner systématiquement par une attitude permissive qui a été celles du Collège des Bourgmestre et Echevins ainsi que du Collège de Police, a eu pour conséquence le développement d’une zone de non-droit dans tout un quartier de Bruxelles, qui au fil du temps, s’est de plus en plus étendu. J’ai reçu de nombreux témoignages d’habitants dont je me permettrai de lire certains passages :
Ainsi cette famille du Boulevard Jacqmain : « Nous habitons Boulevard Jacqmain à côté de la Rue des Commerçants, et dans cette rue l’économie de la prostitution fonctionne 24 h/24 et les 365 de l’année. Avec nos enfants petits nous ne sortons pas beaucoup la nuit, mais des simples routines comme prendre le chemin plus droit vers l’école ou chercher du pain pour le petit-déjeuner en weekend sont presque impossibles sans voir toute sorte de ‘spectacle’ dans la rue. Cette année nous avons aussi eu des frais importants pour déplacer la porte d’entrée de notre immeuble côté Rue du Pelican, pour éviter que la niche de la porte soit utilisée par les prostituées et les clients pour… Les caravanes de voitures existent encore (et réveillent les voisins) et franchement, les blocs en béton sont le seul signe d’un intérêt ou d’une intervention des autorités au bénéfice des habitants. Sauf ces blocs (heureusement difficiles à vandaliser), l’ambiance dans le quartier est celle d’un lieu sans loi, où tout est possible et où il faut être très prudent à l’heure de protester. Si il y a 5 ans la prostitution se cachait dans des petites rues, maintenant elle est très visible, pendant la journée, jusqu’au Boulevard Jacqmain où nous habitons mais également sur le trottoir à moins de 20m de l’entrée de l’école qui se trouve derrière le KVS. »
Récemment, j’ai également interpellé le Ministre en charge de la cohésion sociale à la Cocof au sujet d’une brochure distribuée dans les boîtes-aux-lettres du quartier Alhambra, par l’asbl « EspaceP », et, qui avec le soutien et les subsides publics, non seulement se permettait de stigmatiser le Comité de quartier, mais prônait avant tout l’intégration de la prostitution en en donnant une image glamour bien loin de la triste réalité vécue dans les rues bruxelloises. Si la réponse du ministre socialiste ne m’a pas rassurée sur le fond de cette action, celui-ci en appelait, dans sa conclusion, à une « table ronde régionale » consacrée au sujet.
Je ne suis pas opposée aux « tables rondes » mais comme vous le dites dans le descriptif du projet, la Région a déjà finalisé courant 2009 une étude sur la prostitution en Région bruxelloise, qui en a déjà révélé toutes les formes et surtout l’ampleur d’un phénomène qui va s’accroissant puisqu’il était déjà question de plus de 5.000 personnes s’adonnant à la prostitution, ce qui est beaucoup pour une ville de la taille de la nôtre.
Sans attendre les résultats d’une énième étude, il me semble que pour faire respecter la loi, Monsieur le Bourgmestre, vous disposez déjà d’un certain nombre d’outils et de services tandis qu’en matière de collaboration, pour appréhender concrètement ce vaste problème de la prostitution, je pense que ce sont surtout des concertations et des collaborations avec les Départements ministériels de l’Intérieur et de la Justice qui sont indispensables. Ces collaborations n’ont pas besoin d’une « table ronde » pour être établies avec nos services de la Zone de Police de Bruxelles Capitale- Ixelles et j’espère qu’ils le sont depuis longtemps ; le tout étant de les rendre efficaces, en particulier, dans la lutte contre les réseaux de traites des êtres humains et de l’immigration illégale.
En ce qui concerne plus spécifiquement le quartier Alhambra, les quelques mesures déjà prises par le Collège, suite aux nombreuses plaintes répétées des habitants, n’ont jusqu’à présent pas portées leurs effets ; si bien que malgré les quelques blocs de béton placés çà et là pour décourager le carrousel des voitures, celles-ci circulent un peu plus lentement ou en empruntant des sens interdits.
Témoignage : « Un très grand nombre d’automobilistes prennent le sens unique à contre-sens pour aller du Quai au Foin vers le Quai aux Pierres de Taille, essentiellement en soirée… Les automobilistes en infraction font souvent des dérapages pour se dépêcher et il est déjà arrivé plusieurs fois qu’une voiture finisse contre un lampadaire ou un potelet qui borde les trottoirs : un jour ce sera contre un piéton ou un cycliste. Dans cette situation, la non-loi devient la règle : plus personne ne respecte le code de la route sur ce tronçon.
La police a procédé à des interpellations à 2 reprises au courant de ces derniers mois sur ce tronçon. Ce n’est pas suffisant car il y a toujours autant de contrevenants. Il faudrait des contrôles plus fréquents, surtout en soirée et une adaptation de l’infrastructure routière à cet endroit.
Un autre témoignage : « la nuit, le quartier est encore plus inhospitalier, empli de souteneurs et de prostituées, dealers de drogues, soulards qui crient sur tout ce qui bouge et abordent chaque femme qui passe dans leur champ de vision… »
Il semble aussi, Monsieur le Bourgmestre, que le placement des caméras n’ai pas eu plus d’effets puisque, tout au plus, elles ne servent qu’à verbaliser le non- respect des panneaux de circulation locale- tout en sachant que se rendre dans l’un des hôtels de passes du quartier ou y avoir un rendez-vous peut être considérés comme de la circulation locale ! En fait, pour que les images des prostitués et des proxénètes puissent être utilisées et instruire des dossiers judiciaires, elles devraient être visionnées et traitées par un commissaire assermenté ; Pourriez-vous nous expliquer Monsieur le Bourgmestre, ce qui est fait des images filmées qui, actuellement, ne semblent gêner aucun fauteur de troubles.
Enfin, troisième mesure prise par le Collège, la taxe importante perçue depuis trois ans sur les hôtels de passes. Si celle-ci a déjà considérablement rempli les caisses de la Ville, elle n’a, en tous les cas, pas réussi à fermer un seul hôtel de passe de ce quartier… c’est dire l’importance du profit fait dans ces hôtels et l’ensemble des trafics illégaux qui s’y déroulent. Si le Collège ne veille pas à la finalité de cette taxe- à savoir la fermeture de ces hôtels vivant de la prostitution de rues mais qu’au contraire, avec un manque évident de volonté politique, il continue à percevoir son bénéfice en fermant les yeux sur ce qui s’y passe, il prend le risque de se faire qualifier aussi de proxénète !
Je n’irai pas jusque- là, puisqu’aujourd’hui, vous vous dites animés « d’une volonté politique de prendre les choses en main » et que vous nous soumettez un projet de collaboration intercommunale sur la prévention intégrée de la prostitution entre la Ville de Bruxelles (coordinatrice) et les communes de Saint-Josse et Schaerbeek » ; un projet qui vous permettra de percevoir un subside régional de 50.000 euros dont 45.000 serviront à recruter UN « chargé de projet » et 5.000 euros pour les frais de fonctionnement.
J’imagine que la structure réceptacle et recruteuse sera à nouveau la grande nébuleuse « BRAVVO » spécialisée en perception de subsides divers et variés( ?)
A lire les principales finalités, à savoir, je cite le rapport : « réduire les nuisances liées à la prostitution, notamment les effets des déplacements d’une commune à l’autre et de clandestinité du phénomène (sur laquelle les intervenants n’ont aucune prise) » votre « chargé de projet » devra être un véritable surhomme ! En effet, cette nouvelle recrue va devoir régler aussi bien les concertations entre tous les services des trois communes partenaires, établir un état des lieux et des recommandations, en mettant en lien les services de prévention, de répression, de santé, d’accompagnement social … et j’en passe. Nous lui souhaitons bon courage.
Toutefois, permettez-nous d’être sceptiques, voir inquiets lorsque dans la description du projet, le Collège fait part de, je cite : « le comité d’habitant est en opposition à l’idée de cohabitation, sous quelque forme que ce soit (ce qui n’est pas le cas de tous les habitants) Face à cette tendance « NIMBI », les décisions communales buttent invariablement sur les limites communales et les effets de clandestinité (cafés, salons de massage…).
Je regrette que dès l’entame du projet, vous donniez le sentiment que les habitants ne soient pas d’accord entre eux pour enrayer la prostitution dans leur quartier et améliorer leurs conditions de vie. A vous croire aussi, c’est la tendance « nimbi » des habitants qui provoquent les limites de l’action communale !
Je sais qu’il n’y a pas des solutions faciles, nous n’allons pas épiloguer ici sur la fonction indispensable du « plus vieux métier du monde » mais on ne peut tolérer l’invasion totale de l’espace publique par la prostitution, rendant impossible toutes les autres utilisations de cet espace. On ne peut tolérer le développement de zones de non- droits. Le quartier Alhambra, le bd Jacqmain, le quartier des Quais en général connaissent aujourd’hui d’une part, de nombreux investissements immobiliers privés ainsi que publics (contrat de quartier, aménagement de l’espace publique) et d’autre part bénéficient de la présence d’activités culturelles avec le KVS et le Théâtre Nationale ; ce sont donc des quartiers résidentiels qui pourraient connaître un développement intéressant pour la Ville avec le retour d’habitants plus aisés, de commerces de qualité et de proximité, en un mot, d’une véritable mixité sociale. Seulement, toutes les nuisances liées à l’exercice de la prostitution empêchent actuellement ces quartiers de se développer sur un plan économique et social ; je ne sais pas si ce projet de collaboration avec Schaerbeek et Saint-Josse, qui connaissent d’autres formes de prostitution, principalement en vitrines, pourra concrètement répondre aux appels à l’aide lancés depuis plus de 10 ans par les habitants de nos quartiers mais je ne voudrais pas qu’il soit une occasion de belles déclarations d’intention, d’études et de plans théoriques et surtout qu’il vous exonère de faire respecter tout simplement la loi dans un quartier.
Filed under: Prostitution, Sécurité | Leave a comment »