« Comment qualifier la politique d’un gouvernement qui oblige les associations d’aides aux personnes handicapées à faire le «sit-in du parlement» pour obtenir un peu moins d’indifférence ? » Le GAMP a fait sa 6e rentrée parlementaire, ses représentants ont été reçus, pendant la pause du midi, par des parlementaires de tous les groupes politiques; leur déception voire leur colère est largement partagée par Marion Lemesre.
« En effet, la déclaration de politique générale 2010-2011 du gouvernement francophone bruxellois n’a pas rompu avec les précédentes éditions quant à son indifférence à la situation scandaleuse, inadmissible, inhumaine… de l’insuffisance de solutions d’accueil pour les personnes avec un handicap de grande dépendance en Région bruxelloise.
Pensez-vous que je sois excessive dans les qualificatifs utilisés ? Alors, vous n’avez jamais entendu les témoignages des personnes cérébro-lésées de moins de 50 ans hébergées aujourd’hui dans des homes pour personnes âgées, ne bénéficiant d’aucune assistance à la rééducation qu’elles soient physiques, sensorielles, cognitives, comportementales ou émotionnelles.
Moi, aujourd’hui, je voudrais vous redire les mots de cette jeune femme de 28 ans, qui vit actuellement après son accident vasculaire cérébral en chambre commune dans un home de vieillards : « je n’en peux plus, le pire se sont les cris la nuit et puis cette absence d’intimité quand on vient changer leur lange et moi, je n’ai rien à faire ici; c’est peut-être pas bien ce que je vais dire – mais moi, je n’aime pas les vieux, je n’aime pas les vieux ».
J’espère qu’au moins aujourd’hui, vous avez entendu les témoignages des parents d’enfants autistes qui sont autant d’appels à l’aide et même selon l’un d’eux, qui n’a pas hésité à parler de «non assistance à personnes en danger. »
Il y a, à Bruxelles, près de 10.000 personnes concernées par un handicap de grande dépendance et aujourd’hui, comme depuis le constat dramatique établi par le Livre blanc de l’association le GAMP en 2006, il n’existe toujours dans la Capitale que très peu de services spécialisés s’adressant à cette population et très peu de places adaptées dans les centres de jour et d’hébergement où les listes d’attente sont interminables.
Alors quand je vous entends, Monsieur le Ministre-Président, déclarer pour toute réponse à l’attente de ces gens oubliés que « à l’initiative de la Coordination Grande dépendance, une rencontre rassemblant tous les centres d’accueil et le service PHARE va être organisée sur le thème de la gestion des inscriptions et l’opportunité d’une gestion plus centralisée des demandes d’entrée en centre», je dis que cela frôle l’insulte et l’on comprend que le livre dressant le constat et les revendications ne soit plus blanc mais noir aujourd’hui car il n’y a pas un mot, pas un espoir, pas l’ombre d’une volonté politique exprimée dans votre déclaration pour créer au moins une nouvelle structure d’hébergement. Alors que l’augmentation démographique est avancée dans toutes les autres politiques allant du logement à l’enseignement et même au PRAS démographique, pour justifier de nouveaux investissements et des choix budgétaires – en ce domaine, celle-ci n’existe pas et ne justifie même pas une impulsion nouvelle pour remédier à une situation déjà en souffrance.
La ministre en charge de la politique de l’aide aux personnes handicapées planche actuellement sur un projet de décret inclusion dont on elle nous promet le remède miracle.
Nous l’attendons avec impatience mais aussi grande circonspection. Car, en effet, si le projet peut se présenter séduisant dans les mots (qui peut s’opposer à des mesures et dispositifs qui amélioreraient une meilleure intégration, une meilleure inclusion de la personne handicapée dans la vie de tous les jours ?), il pourrait aussi se révéler, au-delà du verbiage de bonne conscience, avoir des effets dévastateurs sur le fonctionnement des institutions existantes qui se verraient amputées d’une partie de leur budget au profit de «ces petits lieux de vie idéalisés» mais qui, à budget équivalent, seront immanquablement sous-financés aussi ! Allez voir sur les trottoirs de Montréal! Le Canada a pratiqué cette politique de l’inclusion au détriment des institutions; aujourd’hui, un nombre important de sdf sont précisément des personnes souffrant d’un handicap et n’ayant plus trouvé de structures d’hébergement adaptées.
Nous attendons autre chose que des réunions de coordination, nous attendons autre chose qu’une énième étude, qu’un énième décret; ce que nous attendons c’est une volonté politique exprimée de faire les choix budgétaires significatifs pour donner à toutes ces personnes une place à part entière dans notre société !
Car, j’ai parlé du défi démographique, j’aurais aussi pu évoquer les progrès de la médecine, ceux-là même dont nous devons nous réjouir mais qui font qu’on ne meurt plus aujourd’hui dans un accident de voiture; ceux-là même qui font qu’on ne meurt plus dans un accident vasculaire cérébral; ceux-là même pour le dire crûment qui font que nous sommes désormais dans une société qui produit des handicapés !
Alors la vie à tout prix, oui! mais quelle vie notre société a-t-elle la volonté d’assurer « à la personne qui a besoin de l’autre pour assurer les gestes simples de la vie quotidienne » ?
L’accueil en maisons de repos des jeunes handicapés doit être aujourd’hui considéré comme une situation transitoire en attendant que les pouvoirs publics prennent leur responsabilité pour la mise en chantier de centres d’hébergement, de rééducation et de réadaptation pour les personnes handicapées.
J’ai déjà évoqué à un autre moment à cette tribune, les adaptations à faire de façon transitoire dans la législation fédérale pour adapter le forfait paramédical payé aux Maisons de Repos et de Soins par résident, s’appliquant donc également aux adultes handicapés qui y sont placés faute de structures d’accueil adaptées et qui, pour toute rééducation kiné, « jouent à la baballe » avec les séniors. La Ministre en charge avait promis une concertation avec le fédéral sur ce sujet, mais là encore une fois, il faut donner de son temps pour bien comprendre le problème dont la solution passe par une adaptation transitoire de la loi (dispositions de l’Assurance Obligatoire s’appliquant aux soins de santé et indemnités – Loi du 09.08.1963 coordonnée par l’AR du 14.07.199 4, et en particulier celles de l’article 7alinéa1,1 de la nomenclature des prestations de santé publiée en annexe de l’AR du 14/9/1984).
Il devrait être prévu que, pour ces personnes nécessitant une rééducation spécifique en kiné et logo, des kinés spécialisés puissent se rendre dans le home et y faire des prestations couvertes par la mutuelle ou que ces patients puissent se rendre chez des prestataires de soins extérieurs.
Pour le MR, cette adaptation transitoire qui accepterait un remboursement renforcé de « certaines chambres en MRS (comme c’est déjà le cas pour des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer, par exemple), face à la grande détresse des familles obligées de placer leur enfant, leur proche dans des Maisons de Repos, se voyant refuser le remboursement de soins en kiné/logo (pourtant indispensables à la rééducation de leur enfant), cette adaptation s’impose, j’insiste, en attendant la construction de lieux d’hébergements et de rééducation adaptés.
A cet égard, il faut que dans le cadre du refinancement de la COCOF, un plan pluriannuel concret de construction de centres d’hébergement et de réadaptation des personnes de grande dépendance soit établi et clairement budgétisé dans les plus bref délai. Ce plan pluriannuel établi par la COCOF devra s’appuyer sur des financements coordonnés par tous les niveaux de pouvoirs (fédéral via Beliris et la Loterie nationale – régional via les politiques du logement – communal via les régies foncières)
Enfin, l’indifférence est encore plus coupable lorsqu’elle s’accompagne d’une telle méconnaissance de la problématique et qu’elle débouche sur des prises de décisions aggravant encore la situation et j’en terminerai par-là : il s’agit du plafond mis sur les charges patronales dans l’arrêté, actuellement en préparation au cabinet de la Ministre, relatif à l’agrément et aux subventions des centres de jour et des centres d’hébergement pour personnes handicapées et qui, en son projet d’article 40, prévoit ce plafond qui n’existait pas auparavant et était couvert à frais réels. Cette différence va peser sur les institutions, diminuer l’efficacité du travail et mettre en péril la pérennité de certains centres. J’attire l’attention de tous les membres du gouvernement sur ce projet d’arrêté en espérant que cette indifférence coupable stoppe sa contagion.
Je vous remercie.
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